jack › the drowning man

(un) Souvent, Jack a le sentiment de vivre un second mariage. Cet amour incommensurable, mais aussi la conscience que rien n'est acquis. La force qu'il peut y puiser, construire quelque chose ensemble. Vider un appartement et classer les affaires en deux camps après s'être déchiré, avoir franchi la limite, il connaît également. Jack a longtemps cru qu'Oona serait son premier et seul amour. Lorsqu'ils se sont quittés, il souhaitait l'épouser. Il a eu besoin de temps, et de la rencontrer : Moira. S'il est fou amoureux et souhaite se consacrer à leur futur, il lui arrive pourtant encore de songer à la vie qu'il aurait pu avoir avec l'autre. (deux) Le jeune homme a grandi avec deux certitudes : l'admiration qu'il portait à son père, et la conviction que jamais il n'emprunterait sa voie. Son histoire familiale est celle de la mer et des pêcheurs. De la mer comme étreinte mortelle, et de la précarité d'un métier épuisant. En ce sens, Jack a sans doute été conforté par sa mère : elle aurait souhaité voir ses enfants s'élever dans la société, que leur nom soit parmi ceux des notables de Wexford. (trois) La perte de ses parents est sans doute la chose la plus difficile qu'il ait eu à vivre. Quant à sa mère, Jack a le sentiment de ne pas avoir été assez présent, de ne pas avoir compris à l'époque que leur temps était limité : à l'époque, il vivait à Dublin et n'a compris que trop tard qu'elle ne rentrait pas à l'hôpital que pour quelques examens liés à un corps vieillissant. Mais c'est bien la disparition de son père qui l'a plongé au fond du trou : Jack, il n'espère plus rien. Il ne croit pas aux miracles. Il attend un corps à enterrer, quelque part où regretter les non-dits et les promesses brisées. En attendant, il veille sur les siens, aigre, buvant plus de whisky qu'il n'en faut les nuits où il ne trouve pas le sommeil. (quatre) Au regard de sa vie, ce sont bien les souvenirs familiaux qui sont les plus beaux. La pêche à la mouche, discipline enseignée par le père à ses fils, pratique qu'il aimerait transmettre aux siens. Les chants gaéliques de sa mère, et le sentiment d'être tout-à-fait à sa place face à un héritage infiniment plus grand que lui. Les longues tablées du dimanche, après la messe, aux côtés de sa fratrie mais aussi cousins ou amis de passage, l'idée étant de toujours garder la porte ouverte. Plus Jack y pense, plus il se dit que ce sont ces petites choses qu'il aimerait transmettre à ses enfants. (cinq) Le choix des études de droit a surpris : épris de culture, on le destinait plutôt à des études d'Histoire ou de Lettres. Jack sait pourtant depuis son plus jeune âge qu'il veut être flic. Homme d'action, mais aussi homme curieux, personne insatiable intellectuellement. Livres, musique, cinéma : il aime tout autant. Il est de ceux qui vénèrent Le Vieil Homme et la Mer d'Hemingway que Le Prince de Machiavel. (six) Il y a quelques années encore, Jack n'aurait pas cru le bonheur possible dans cette vie provinciale. Longtemps, il a dit aimer sa ville natale, mais de loin. Tout comme sa famille, qu'il appréciait de voir, mais sur de courtes durées. Les temps ont changé, et il a vieilli. Entré dans la trentaine et jeune marié, la question de fonder sa propre famille s'est posée. En rencontrant Moira, il avait déjà compris que sa jeunesse et son irresponsabilité étaient derrière lui. Avant elle, il était marié à son job : son temps libre, il le passait en partie à faire la fête et fuir au petit matin les draps inconnus. (sept) Il n'est pas de ces grands bavards. Introverti, il sait pourtant feindre le contraire : sans doute, l'usage des années de couverture, des années à prétendre être un autre. Jack est de ces personnes qui aiment aller à l'essentiel : avec les siens, il ne prétend pas, il vit. Jouer un rôle, il l'a trop fait à son goût, au point de presque en oublier qu'il était réellement. S'il a changé de vie, il n'aime ni faire semblant, ni trop s'épancher sur le travail qu'il faisait lorsqu'il vivait à Dublin. (huit) Il y a ce projet, vieux de des années, qu'il voudrait reprendre. Un vieux bateau en bois, demeuré dans le garage familial. Son père avait commencé à le retaper : c'était avant la maladie de leur mère, avant que leur vie ne s'effondre. Il est resté là, dans l'état, au cours des six dernières années. Ils auraient aimé naviguer ensemble autour du monde, lors de leurs vieux jours. Jack est venu à a maison, il y a quelques nuits de cela : perdu, il cherchait alors la présence de son père. Il en est venu à soulever la bâche poussiéreuse, redécouvrant ce trésor. Plus il y songe, plus il est certain de vouloir retaper ce bateau : un projet qui pourrait peut-être le faire lâcher la bouteille.lien recherchés
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